Consternés par la prestation du corps arbitral lors du ¼ de finale de Coupe de France opposant l’Olympique Lyonnais au Paris Saint-Germain Samedi, nous prenons la parole aujourd’hui pour aborder l’un des sujets les plus sensibles du monde du football : l’arbitrage.
Le spectre de la finale de Coupe de France 2018 n’a malheureusement pas mis longtemps avant de resurgir. Les nombreuses erreurs d’arbitrage commises lors de cette rencontre sont depuis hier commentées avec véhémence par les fans de football sur les réseaux sociaux, oubliant parfois même la qualité du match produit par les deux équipes. Désolant. Désolant de voir que la principale action que l’on retienne du sacre du PSG l’an dernier soit ce but refusé à Hegerberg. Désolant que le principal sujet après la qualification de Lyon hier, soit les mauvaises décisions prises par Florence Guillemin et ses assistantes. À l’heure où le football féminin est diffusé sur de grands groupes, et à l’approche d’une Coupe du Monde féminine qui sera l’événement sportif de l’année 2019, la question de l’arbitrage pose problème et génère un grand sentiment d’inquiétude.
« Pas de matchs sans arbitres » cette phrase bien connue de tous devrait être changée en « Pas de matchs sans arbitres compétents. » Les hommes et les femmes au sifflet sont plus au cœur du jeu que quiconque. Leur rôle est essentiel au bon déroulement d’une rencontre, et de leur capacité à prendre les bonnes décisions, dépend parfois le résultat d’un match. On en aurait eu la preuve hier si l’OL n’était pas malgré tout, parvenu à s’imposer (1-0). Si l’on conçoit et que l’on accepte l’idée qu’une femme puisse arbitrer des hommes au plus haut niveau (ce qui n’est clairement pas suffisamment le cas aujourd’hui), il serait hypocrite de réfuter la situation inverse. Ne perdons pas à l’esprit que les joueuses désirent ardemment être officiées par un corps arbitral compétent qu’il soit féminin, masculin ou mixte.
Néanmoins, il serait trop facile et peu digne venant d’une rédaction comme la nôtre, d’aborder un sujet aussi complexe en tapant sur les arbitres sans chercher à comprendre le fonctionnement de l’arbitrage français, et sans s’intéresser aux mesures prises et aux actions mises en place par la Fédération Française de Football pour le faire évoluer.
Si beaucoup s’accordent à dénoncer l’absence de femmes arbitres dans le football masculin de haut niveau, les prestations défaillantes de celles-ci lors des rendez-vous à forte exposition du football féminin, ne plaident pas en leur faveur. Sachez que dans le meilleur des cas, il faut environ 12 années à un arbitre pour être promu en Ligue 1. Stéphanie Frappart, première femme à avoir été désignée arbitre centrale d’un match professionnel masculin a attendu 15 ans pour atteindre la Ligue 2.
«La nomination des arbitres en Ligue 1, Ligue 2 et dans toutes les autres divisions jusqu’au plus bas niveau est basée sur un système de montées et descentes», explique la Fédération Française de Football (FFF) à Checknews. «Chaque arbitre est jugé par plusieurs observateurs de la Direction Technique de l’Arbitrage (DTA). Leurs rapports permettent d’établir une hiérarchie des arbitres à l’issue de chaque saison, et de les nommer pour une saison dans une division précise. »
La réglementation n’interdit pas à une femme d’arbitrer un match masculin, pourtant, aucune n’a encore officié une rencontre de Ligue 1. Sans crier au sexisme, il faut savoir que la féminisation de l’arbitrage en France a été quelque peu tardive. Par féminisation, nous entendons les plans d’actions faits par la FFF en vue de structurer la formation, d’améliorer les conditions et de développer la promotion des femmes arbitres. On compte environ 900 femmes sur 27 000 arbitres au total, signe du retard monstrueux pris par le football féminin.
En Février 2016, la FFF en partenariat avec La Poste profite de l’opération « 4 saisons du sport féminin » pour mettre à l’honneur les femmes arbitres. Créée par le CSA, cette opération annuelle vise à faire valoir une meilleure représentation de tous les sports féminins dans les médias français. En Septembre 2017, la FFF accueille au CNF Clairefontaine le premier stage de formation organisé par la FIFA à destination des arbitres féminins. En Janvier 2018, la FFF accompagnée du Fondaction du Football, lance la première saison des « Mercredis de l’arbitrage » à Lyon. Des journées de sensibilisation à la pratique de l’arbitrage et au respect auprès des jeunes de 15 à 17 ans. 3 journées ont actuellement eu lieu depuis leur création.
À l’issue du Mondial 2015 au Canada, la FIFA officialise le projet d’arbitrage pour le football féminin : « En route pour la Coupe du Monde 2019 ». Des séminaires ont ainsi été mis en place pour les arbitres et arbitres assistantes, mettant l’accent sur la protection des joueuses, de l’image du football, et sur l’interprétation uniforme des règles de la discipline. L’expertise technique, la condition physique, la lecture du jeu et des approches tactiques des équipes font également partie des principaux thèmes abordés lors des séminaires. La FIFA avait alors annoncé :
« Tout est mis en œuvre pour faire en sorte que les arbitres soient 100% prêtes pour le Mondial 2019. »
3 ans et 6 mois plus tard, les erreurs grossières d’arbitrages perdurent. À la veille de la Coupe du Monde 2019 l’inquiétude de revivre les mêmes errances arbitrales de l’Euro 2017 ou encore les controverses autour des matchs Lyon-Paris grandit. Des lacunes, qui étrangement ne brident pas les grandes instances à désigner ces mêmes arbitres pour officier les compétitions nationales et internationales. Là est le réel problème. La mixité dans le football de haut niveau doit passer par un partage équitable des forces. Car oui, à haut niveau, les filles aussi ont besoin d’un corps arbitral compétent pour performer. Aujourd’hui, les matchs sont accessibles au grand public et suscitent de l’intérêt, les bévues desservent le jeu et décrédibilisent le football féminin. Pire encore, les femmes en noir ne disposent pas des mêmes moyens matériels que leurs homologues masculins.
En novembre dernier, à la suite d’un énième match polémique entre le Paris Saint-Germain et l’Olympique Lyonnais, Jean-Michel Aulas avait donné son point de vue sur l’arbitrage féminin français actuel.
« Du côté de la Fédération, je suis convaincu que Noël Le Graet me suivra, d’aller vers une professionnalisation de l’arbitrage, d’aller vers la vidéo comme pour les garçons et pour l’utilisation des oreillettes. »
Officier sans oreillettes est juste incroyable à ce niveau. Alors que la professionnalisation des arbitres féminins a été annoncée 2 mois après les propos du président de l’OL, l’instauration de la VAR nous semble peu probable dans l’immédiat. Avant son lancement sur toutes les pelouses de Ligue 1 cette saison, les arbitres masculins ont suivi une formation depuis Octobre 2016 pour se familiariser avec la vidéo. Une formation qui continue encore aujourd’hui. À 4 mois du Mondial, les arbitres seront-elles aptes à gérer cette technologie à temps ?
Comme pour beaucoup de joueuses de D1, les femmes arbitres ne vivent pas du sifflet. Alors que l’éclosion d’arbitres de la trempe de Bibiana Steinhaus ou Stéphanie Frappart s’annonce longue, la FFF a présenté le 18 Janvier 2019 un plan de professionnalisation des arbitres féminines d’élite. Prévu pour débuter dès la saison 2019-2020, ce projet prévoit une amélioration des moyens humains et matériels, un renforcement de leur préparation technique et athlétique, ainsi qu’une évolution du dispositif d’indemnisation. Les rassemblements annuels passeront de 2 à 6 stages (3 jours par stage), auxquels s’ajouteront 2 stages mixtes (avec les arbitres fédéraux 3 masculins). Elles bénéficieront des services d’un préparateur physique supplémentaire, d’un suivi médical avec tests annuels, et de l’encadrement d’un manager en arbitrage féminin au sein de la DTA. Les arbitres élites recevront également une indemnité fixe mensuelle, qui s’ajoutera à leurs indemnités de matchs eux-même revues à la hausse dès la saison prochaine à tous les niveaux, y compris pour les arbitres non professionnelles.
Nous constatons que le niveau et les conditions de l’arbitrage féminin comptant pour l’élite n’est pas encore à la hauteur de ses ambitions. En attendant les retombées de toutes ces actions, les femmes arbitres vont devoir faire mieux avec le peu de moyen qu’elles ont en leur possession sous peine de subir de nouvelles critiques dès le prochain grand rendez-vous : La Coupe du Monde.
En septembre 2017, la FFF a accueilli le premier stage de formation organisé par la FIFA à destination des arbitres féminines, du 24 au 27 août dernier au CNF Clairefontaine.
L’occasion de revenir sur le développement de l’arbitrage féminin en France.