Présent lors de la qualification historique du Stade de Reims en quarts de finale de la Coupe de France face au CA Paris 14 (score 8-0), PiedsCarrés-Féminin en a profité pour s’entretenir avec Amandine Miquel, entraîneur du club champenois. Entre les valeurs du club, les ambitions d’un groupe tout juste promu en D1 et le prêt inopiné de Naomie Feller à l’Olympique Lyonnais, la coach nous a répondu en toute transparence et sans filtre.
Coeurs de Foot : Comment parvenez-vous à créer cette osmose entre vos joueuses sur le terrain ? Comment arrivez-vous à leur faire prendre note de ce que vous attendez d’elles ?
Amandine Miquel : Je pense que c’est un travail de tous les jours. Cela fait maintenant trois saisons qu’on a un groupe assez similaire. On est allés ajouter quelques étrangères tous les ans et on a même des retours de joueuses qui étaient là avant. On a un groupe de joueuses assez fidèles, qui apprécient notre façon de travailler quoiqu’elle n’ait rien d’extraordinaire. Je pense qu’on est vraiment dans le respect de l’être humain dans notre gestion de l’effectif. On sait qu’elles ne vont pas faire fortune et que cela doit rester un loisir. Certains clubs l’oublient en traitant les joueuses comme des numéros, pour nous ce sont des personnes à part entières. On prend en compte l’extrasportif, le sportif, on les accompagne vraiment dans la vie en plus du football donc je pense que c’est peut-être la recette pour garder un effectif cohérent avec un budget très moyen. C’est un peu à l’image de notre équipe masculine, nous n’avons pas des moyens de fou mais en revanche on a des joueuses qui seraient prêtes à s’arracher pour le moindre ballon et c’est comme ça qu’il faut faire quand on ne peut pas se payer des joueuses à des prix exorbitants. Mais elles ne nous manquent pas pour autant ces joueuses-là finalement. Même si on pouvait, ce n’est même pas sûr qu’on se les paierait car elles n’auraient peut-être pas l’attitude adaptée à notre équipe.
PiedsCarrés-Feminin : Vous expliquez le prêt de Naomie Feller à l’Olympique Lyonnais pour ces raisons-là ?
Amandine Miquel : Ça c’est un autre débat… ça n’a aucun intérêt pour nous personnellement puisque l’on joue encore le maintien. Comme on est dans le bonheur de la joueuse avant tout, on a pesé le pour et le contre et elle a estimé vouloir tenter sa chance donc à grand regret pour nous, on l’a laissée partir tenter sa chance.
PCF : Vous auriez pu refuser ?
Amandine Miquel : J’aurai pu refuser, beaucoup de clubs auraient refusé. Sa déception serait passé au bout d’une semaine, quand on a 18 ans c’est comme un chagrin d’amour, ça passe. On sait que ces clubs-là seraient revenus à la charge plus tard donc ce n’était pas très grave, après, elle pense pouvoir avoir du temps de jeu avec la conjoncture actuelle de la blessure (d’Ada Hergerberg) et de deux trois joueuses qui manquent… pourquoi pas. C’est un prêt donc on ne perd pas grands choses si ce n’est 5 mois avec notre joueuse donc on va lui faire confiance.
PCF : Pensez-vous que l’équilibre de votre groupe va changer ?
Amandine Miquel : Cela ne posera aucun problème. Si évidemment qu’elle va nous manquer car au-delà de la joueuse, c’est une super fille, qu’on apprécie et qui met une ambiance de fou au sein de notre équipe mais on a suffisamment de joueuses offensives de qualité pour la prêter à Lyon et aider Lyon à finir sa saison.
PCF : Selon-vous, c’est une recrue utile pour l’Olympique Lyonnais ? ou ce transfert a été fait dans l’urgence avec la blessure d’Ada Hegerberg survenue vers la fin du mercato ?
Amandine Miquel : (soupir) Je pense que seuls les 5 mois vont nous dire si elle est utile ou pas, j’espère.
PCF : Qu’en pensez-vous personnellement ?
Amandine Miquel : J’ai peur qu’elle ne joue pas autant que ce qui lui a été annoncé.
PCF : On lui a promis un temps de jeu ?
Amandine Miquel : Pour lui donner envie de signer, il a bien fallu qu’ils lui disent des choses, ils ne lui ont pas dit : « Tu ne vas pas jouer ». Je ne sais pas ce qui a été dit exactement donc ils lui ont certainement vendu des choses oralement, j’espère juste que le club va respecter ses engagements oraux auprès de la joueuse. Après c’est un moindre mal, si elle ne joue pas elle reviendra chez nous et on la refera jouer, il n’y a aucun problème.
PCF : Donc pas de rancoeur ?
Amandine Miquel : Non pas de rancoeur, on est en très bons termes avec Lyon et écoutez, ils m’ont presque fait pleurer au téléphone. Ils m’ont dit : « on en a besoin pour finir notre saison ».
PCF : Carrément ?
Amandine Miquel : Presque, presque fait pleurer. C’est à charge de revanche, il y aura un autre mercato plus tard. On les dépanne là et ils nous dépanneront peut-être plus tard, cela peut toujours servir d’être en bon terme avec Lyon. Il n’y a pas d’inquiétudes majeures après si dans 5 mois on descend, je vous dirai que je n’aurai pas dû prêter Naomie Feller.
PCF : En revanche, je vous trouve assez décomplexé pour un promu, ce qui est assez agréable.
Amandine Miquel : On se dit autant jouer, si on doit redescendre on redescendra. Nous sommes dans cette idée là qu’il faut prendre du plaisir, ça reste un jeu, on ne gagne pas des millions.
PCF : Vous n’avez donc aucune ambition de faire évoluer votre section féminine ?
Amandine Miquel : Si mais il faut que cela reste plaisant, ce n’est pas pour autant qu’on va mettre des stratégies à défendre ou essayer de garder le match nul. Il faut que la joueuse qui est allée en cours ou au travail toute la journée, car c’est encore le cas pour certaines, prenne du plaisir à l’entraînement. Regardez contre Lyon (match retour perdu 5-0), on avait décidé de défendre à la demande des joueuses. Elles m’ont dit qu’elles aimeraient en prendre moins que 8 (match aller perdu 8-3), je leur ai dit si vous voulez mais il va falloir faire un bloc un peu plus bas.
PCF : Personnellement j’ai préféré votre défaite 8-3 que votre match retour perdu 5-0.
Amandine Miquel : C’est mon point de vue aussi mais on est dans l’écoute. C’est un projet global dans lequel on n’impose rien. Les joueuses voulaient prendre moins de but et pensaient pouvoir en prendre que 2 ou 3 donc j’ai dit ok défendons.
PCF : Pour finir, vous n’avez vraiment pas l’ambition de faire évoluer votre section féminine ?
Amandine Miquel : Si l’ambition c’est la Champions League dans 5 ans clairement. l’idée c’est ça sinon on arrête et on reste chez nous. S’ils passent à 3 équipes, à 2 équipes clairement c’est compliqué c’est Lyon, c’est le PSG mais s’ils passent à 3 équipes françaises qualifiées, si les garçons (du Stade de Reims) restent en Ligue 1, que notre projet se stabilise, on a un club assez sain financièrement, qu’on continue à investir un petit peu plus tous les ans, qu’on stabilise nos étrangères et qu’on a les meilleures françaises jeunes, pourquoi pas viser la troisième ou la quatrième place.
PCF : Interessant. Merci à vous pour cet entretien.
Amandine Miquel : (rire) Il faut bien, on ne va pas jouer le maintien tous les ans.
C’est en toute franchise que l’entraîneure de la section féminine du Stade de Reims, Amandine Miquel a répondu à nos questions. Actuellement 9ème de la D1 Arkema après 14 journées, le club promu Champenois a instauré un cadre familial qui met l’humain et le sportif au même rang. Un aspect qui aurait permis à Naomie Feller de se voir prêtée à la mi-saison à l’Olympique Lyonnais malgré les objectifs de maintien du club. Un prêt qui semble capital à la bonne réussite de l’OL après le forfait d’Ada Hegerberg et malgré le faible temps de jeu accordé aux jeunes joueuses. Si l’avenir nous dira si Lyon a tenu ses engagements, voilà qui met une petite pression à l’attaquante française de 18 ans qui n’a pas hésité à accepter le défi d’aller s’imposer dans la meilleure équipe du monde.