Diffusé hier à 18 h sur Canal+, le documentaire « Je ne suis pas une salope : je suis journaliste » (disponible en replay sur MyCanal) réalisé par Marie Portolano (ex-présentatrice du Canal Sport Club, partie vers M6) et Guillaume Priou a fais le buzz. Il est indéniable que les femmes sont sous-représentées (10% des effectifs, 13% du temps de parole) dans le milieu du journalisme sportif, mais la vingtaine de femmes journalistes qui a pris la parole a dénoncé des conditions de traitement inacceptable, causées par leur genre.
Des récits poignants
Durant 1h16, les journalistes racontent les dérives sexistes qu’elles ont subi dans des rédactions, sous prétexte qu’elles sont des femmes. En plusieurs temps, le documentaire libère la parole sur le sexisme ordinaire. Des témoignages tranchants et pleins de vérités qui balancent aux yeux du monde la dure réalité que de nombreuses femmes subissent au quotidien. Entre harcèlement par des confrères, commentaires d’insultes sur les réseaux sociaux, sexualisation omniprésente, rôle de potiche, syndrome de l’imposteur et compétences constamment remises en cause, les journalistes libèrent la parole sur des actes sexistes graves mais banalisés. Certains témoignages résonnent fort comme celui de Margot Dumont, émue et blessée lorsqu’elle raconte une scène qu’elle a subi. Le documentaire donne un cadre à une prise de parole trop souvent sanctionnée et invisibilisée. Clémentine Sarlat, qui avait dénoncé du sexisme dans sa rédaction, a aujourd’hui changé de carrière.
Un partie du documentaire censurée
C’est ce que nous avons appris dans la foulée de la diffusion du documentaire. La vague de libération de la parole à vite été coupée par la révélation de la censure d’une partie du documentaire, concernant les propos et agissements du consultant du Canal Football Club Pierre Ménès. D’avantage connu pour ses phrases provocantes et déplacées plus que pour ses compétences, il a été protégé par la réalisation de Canal+ qui a choisit de ne montrer que les témoignages des interviewées en masquant les séquences portant préjudice à Pierre Ménès (embrassades forcées, gestes déplacés, commentaires sexistes et infâmes…). La Twittosphère n’a pas manqué de réagir, réclamant l’expulsion du consultant via le #PierreMenesOut.
Point de départ d’une nouvelle ère ?
Ce documentaire nécessaire a provoqué une prise de conscience générale sur la situation des femmes, dans le journalisme sportif ou ailleurs, victimes d’un sexisme banalisé. Sur Twitter, nombreux ont été les messages de soutien envers l’initiative, et le film pourrait avoir des répercussions au delà de ce qu’il met en scène. Syanie Dalmat, journaliste à l’Équipe, a modéré sa réaction, soutenant le fond des propos, elle remet en cause la forme dénonçant l’absence de femmes racisées pour témoigner.
Et si cela sonnait comme un coup de tonnerre, un point de départ à la libération de la parole de nombreuses femmes qui subissent en silence des actes sexistes dégradants et enfin reconnus comme tels ? L’association Femmes Journalistes de Sport, a publié une tribune relayée par Le Monde et signée par plus de 150 journalistes et étudiantes en journalisme pour appuyer la démarche.
Le premier domino est posé, soit le buzz du documentaire s’éteindra aussi vite qu’il s’est allumé, soit il sera l’origine d’une vague de contestations et de révélations, comme le laisse présager le tweet de Romain Molina.
Une lueur d’espoir ?
Le documentaire termine sur une bonne note, les témoins s’accordant à dire que la nouvelle génération de journalistes est plus respectueuse et plus informée sur les conséquences des comportements sexistes. Toutes s’accordent à dire que « la solution c’est l’éducation ». Le sexisme est encore très présent dans les rédactions, à l’image de sa place dans la société, mais diminue néanmoins. La prise de conscience sur les conséquences dévastatrices que peuvent avoir des actes ou paroles, que certains jugent anodins, sur les victimes progresse, mais le combat pour un traitement égalitaire est loin d’être gagné. L’aborder dans un documentaire comme l’a si bien fait Marie Portolano pourrait participer grandement à la dénonciation du sexisme sur le long terme.
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