Après des années de lutte pour pouvoir jouer au football, Khalida Popal, membre fondatrice de la sélection féminine de football afghane, alerte concernant le danger de la prise de pouvoir par les Talibans et a peur pour les femmes et joueuses afghanes.
Lutter pour jouer, jouer pour lutter
Avoir le droit de jouer au football c’est la lutte d’une vie pour Khalida Popal. L’ex joueuse professionnelle afghane, née à Kaboul en 1987, a passé sa jeunesse à se cacher pour pouvoir jouer au football. Pour elle, c’était ça de vivre sous le régime des Talibans, avoir pas ou peu de droit parce qu’elle est une femme. En 2001, à la fin du régime des Talibans, elle et d’autres coéquipières commencent à jouer au football de manière public. Cependant, le fait que des femmes puissent jouer au football a du mal à être accepté et elles subissent des répressions de la part des communautés locales. Mais, à force de jouer, le sport devient petit à petit un moyen d’émancipation et en 2007, avec l’accord de la fédération d’Afghanistan de football, elle lance l’équipe d’Afghanistan féminine de football. Khalida Popal confesse « A travers le football, c’est un mouvement que nous avons lancé. Un mouvement qui milite pour les droits des femmes« . Les joueuses décident notamment de jouer leurs premiers matchs dans le stade utilisé par les Talibans où ils mettaient en œuvre des exécutions publiques. Pour les joueuses afghane cette action est un geste fort, Khalida Popal explique qu’elles jouaient là-bas en mémoire des femmes exécutées.
Avant que les talibans ne reprennent le contrôle du territoire, nous étions presque 4 000 femmes et filles à jouer partout en Afghanistan. Et nous aurions pu continuer à développer tellement d’autres projets, comme encourager les femmes à devenir entraîneure ou arbitre, le tout malgré des menaces régulières.
Khalida Popal
Cette victoire pour l’émancipation est de courte durée, plus l’équipe féminine de football d’Afghanistan fait de match et devient connue, plus Khalida Popal devient une cible pour les groupes extrémistes. En 2011 elle est obligée de quitter son pays après avoir reçu plusieurs menace de mort. Elle trouve refuge au Danemark où elle continue de s’investir dans le sport féminin. Elle intervient dans des camps de réfugiés pour faire pratiquer du sport aux femmes et elle continue de lutter pour le droit et l’égalité des femmes dans le sport à l’international. Jusqu’à peu elle était toujours aussi impliquée dans l’équipe nationale afghane de football féminin. Elle en était la directrice de programme et d’événement. Aujourd’hui, après des années de luttes pour l’émancipation des femmes et du sport féminin en Afghanistan, elle pousse un cri d’alerte et demande à ses joueuses de renoncer au football pour sauver leur vie.
Ils (les Talibans) voient dans le foot un marqueur occidental. C’est pourquoi ils nous ont toujours menacées et qu’ils risquent de tuer des joueuses parce que ce sont des personnalités publiques.
Khalida Popal
« Il n’y a plus aucun motif d’espoir »
Depuis que les Talibans ont repris le pouvoir à Kaboul, Khalida Popal multiplie les interventions sur les réseaux sociaux et auprès des médias pour alerter le monde concernant le danger de la situation pour les femmes et joueuses de football en Afghanistan. Pour les protéger elle demande le soutient de la FIFA et du CIO (Commité International Olympique). De son côté, elle essaye de protéger les joueuses comme elle le peut depuis le Danemark. Elle a notamment supprimé le compte Twitter de l’équipe nationale féminine de football et conseillé aux joueuses de faire pareil avec leur compte Twitter personnel, tout ça pour éviter que les Talibans puissent les identifier et les retrouver. Elle explique « Nous avons encouragé les femmes et les filles à se lever et à faire preuve d’audace, et maintenant je leur dis de supprimer leurs photos, fermer leurs réseaux sociaux et d’essayer de faire taire leur voix. Cela cause tellement de douleur. Les joueuses ont pris la parole publiquement, ont défendu les droits des femmes, et maintenant leur vie est en grave danger« . Elle déclare, concernant la situation actuelle des joueuses, qu’elles sont très inquiètes pour leur futur et leur sécurité. Avec le retour des talibans au pouvoir, leur vie est en danger. La plupart des joueuses sont parties de chez elles et se sont réfugiées ailleurs car les voisins savent qu’elles jouent au football.
Il n’y a plus aucun motif d’espoir, surtout dans une société dictée par le système de la charia que les Talibans vont de nouveau appliquer. Je ne vois plus aucun futur pour la liberté et les droits des femmes.
Khalida Popal
Aujourd’hui, l’ancienne footballeuse de 34 ans tire la sonnette d’alarme concernant la situation des femmes en Afghanistan et invite toutes les personnes qui veulent l’aider à mettre la pression sur les gouvernements, notamment à travers les réseaux sociaux. C’est un moyen d’attirer l’attention pour trouver du soutien ou un moyen de protéger les joueuses. Enfin, elle a l’impression que le peuple afghan est trahi par la communauté internationale.
Nous ne savions pas que notre peuple serait trahi et oublié. Nous ne savions pas qu’un jour les militantes des droits de l’homme et les athlètes seraient abandonnées. C’est honteux et triste. Aujourd’hui, tous les rêves sont brisés. L’histoire se répète.
Khalida Popal