Il y a à peu près un an, le journal The Athletic a dévoilé les témoignages de Sinead Farrelly et Meleana « Mana » Shim, deux anciennes joueuses de NWSL. Dans ce témoignage, les joueuses ont révélé avoir été harcelées et agressées sexuellement par leur ancien coach Paul Riley. Suite à cet article, une enquête indépendante a été lancée par le cabinet Sally Q. Yates et King & Spalding LLP . Lundi, la fédération étasunienne de football a rendu public le rapport de l’enquête. Ce qu’il contient est horrifiant, il révèle que les abus «étaient devenus systémiques».
Les faits
Dès la première page du rapport, Erin Simon témoigne qu’en avril 2021, elle était alors joueuse du Racing Louisville, elle a été convoquée seule par son coach, Christy Holly, pour revisionner un match. Ce dernier lui a dit qu’il « allait la toucher pour chaque passe qu’elle avait loupé. » C’est ce qu’il a fait. Les investigations sont centrées autour de trois entraîneurs: Paul Riley, Rory Dames et donc Christy Holly. Du côté de Riley, il est dit qu’il « parlait fréquemment aux joueuses de sexe et les encourageait à faire de même. Il faisait une fixation sur leur orientation sexuelle et avait un comportement de manipulation affective » (p.7). En 2015, il est licencié de Portland qui a pris connaissance de son comportement. La fédération en est aussi informée. Pourtant, Paul Riley n’est pas suspendu et garde sa licence d’entraîneur. Il entraînera jusqu’en 2021 au sein de la NWSL. Quant à Rory Dames, entraîneur des Chicago Red Star de 2013 à 2021, il est accusé par ses joueuses de créer un environnement hostile à cause de gestes déplacés et d’agressions verbales. Arnim Whisler, président des Chicago Red Star, a réagi en disant « C’est juste Rory ». Pourtant, en 2021, le club demande aux joueuses de s’entretenir avec un psychologue du sport. Dans le rapport il est mentionné que suite à ces entretiens, « 70% des joueuses interrogées ont rapporté des comportements abusifs sur le plan émotionnel » (p.11). Dans ses 170 pages, le rapport comporte d’autres exemples sur les agissements abusifs de ces entraîneurs.
L’enquête s’appuie sur 200 témoignages et l’analyse de 89 000 documents (mails, sms, contrats…). Les Portland Thorns, le Racing Louisville et les Chicago Red Star n’ont pas coopéré entièrement avec l’équipe d’investigation. Les enquêteurs ont découvert que les abus systémiques étaient exacerbés par le fait que les principaux responsables des clubs et des ligues omettaient constamment de tenir compte des avertissements et de prendre au sérieux les plaintes des joueurs et de leurs parents. Suite à ce rapport, l’US Soccer Federation s’est engagée à mettre en œuvre un changement global. Le rapport Yates se termine avec de nombreuses recommandations afin de prioriser la santé et la sécurité des joueuses.
Les réactions
Suite à la publication du rapport, plusieurs personnes ont réagi. Tout d’abord, dans un communiqué, la NWSL a déclaré : « Nous reconnaissons l’anxiété et la tension mentale que ces enquêtes en cours ont causées et le traumatisme que beaucoup – y compris les joueurs et le personnel – doivent revivre. Nous continuons d’admirer leur courage à se manifester pour partager leurs histoires et influencer tous les changements nécessaires pour continuer à faire avancer notre ligue. » Cindy Parlow Cone, présidente de la fédération de football des Etats-Unis, rappelle que « Les abus qui sont décrits sont inexcusables et n’ont pas leur place sur les terrains de jeu, dans les installations d’entraînement ou sur les lieux du travail » . Et déclare que « US Soccer s’engage à faire tout en son pouvoir afin de s’assurer que toutes les joueuses évoluent dans un environnement sécuritaire et empreint de respect pour apprendre, grandir et jouer ». La NWSL a déclaré qu’elle examinerait ces révélations à la loupe, tandis que la ligue et l’association de joueuses ont lancé une enquête conjointe pour compléter le rapport.
Du côté de l’équipe nationale américaine, qui se prépare à affronter l’Angleterre, Megan Rapinoe et Becky Sauerbrunn, capitaine de la sélection, ont pris la parole suite aux révélations du rapport.
Elles (les instances) n’ont pas du tout protégé les joueuses pendant toutes les années où cela se produisait. Chaque année, il y avait de nouvelles révélations concernant des entraîneurs. Que cela soit pour la Fifa ou les fédérations, (il faut) un système de signalement efficace en lequel les joueuses aient confiance
Megan Rapinoe suite aux révélations de l’enquête
La Ballon d’or américaine a décrit l’atmosphère dans la sélection depuis lundi « Nous sommes en colère et épuisées mais solidaires et unies. C’est triste à dire mais d’une certaine façon, nous avons l’habitude d’être confrontées à des choses de ce genre » . Des paroles rejointes par celles de sa capitaine qui déclare : « Nous avons le cœur brisé et nous sommes frustrés. Nous sommes en colère qu’il ait fallu une enquête tierce et plus de 200 personnes partageant leur traumatisme pour en arriver au point où nous en sommes actuellement. La passion pour le jeu a été retirée aux joueurs à cause de cet abus, nous devons ramener cette joie et cette accessibilité au jeu. Les cadres qui perpétuent cela devraient disparaître. » Becky Sauerbrunn appelle aussi au changement « Il est temps que les autorités commencent à rendre des comptes et à ce que les joueurs de cette ligue se sentent en sécurité » . L’entraîneur de l’équipe américaine Vlatko Andonovski a donné aux joueuses la possibilité de ne pas participer au match contre l’Angleterre si elles ne s’en estimaient pas capables. Enfin, Beth Mead a déclaré que les championnes d’Europe participeraient à une manifestation de solidarité avec les Américaines avant le match qui sera disputé à guichets fermés à Wembley.