Mardi 17 janvier, Sara Björk Gunnarsdóttir, milieu de terrain à l’Olympique Lyonnais de 2020 à 2022 et première joueuse du club à être enceinte en étant en activité, a lâché une énorme bombe sur le traitement qu’elle a subi à l’OL durant sa grossesse et ses premiers mois de maternité. Pourtant, le club est connu pour être un grand précurseur et un leader dans le développement du football féminin et de tous ses aspects. Cette histoire a fait l’effet d’une onde de choc dans le monde du football féminin. L’OL a apporté sa version des faits à travers un communiqué et le lendemain, Sonia Bompastor a aussi exprimé son avis à RMC. Voici les deux versions de l’histoire telles qu’elles ont été présentées dans la presse
Sara Björk Gunnarsdóttir meurtrie par le traitement que lui a infligé l’OL
Mardi, la milieu de terrain islandaise évoluant à la Juventus de Turin a choqué le monde du football en parlant de comment elle a vécu sa grossesse à l’Olympique Lyonnais sur le site The Players’ Tribune. Dans un premier temps, Sara Björk Gunnarsdóttir raconte le stress qu’elle a vécu avant d’annoncer le fait qu’elle était enceinte à son équipe car elle était la première joueuse de l’OL dans ce cas de figure. Mais une fois cette étape passée, ses coéquipières et le club ont bien réagi et l’OL lui a permis de vivre sa grossesse dans son pays, en Islande. Selon la joueuse, c’est après que les choses se sont gâtées. Dans sa tribune, elle dénonce le comportement des dirigeants lyonnais et révèle qu’elle a subi des retards de paiement les deux premiers mois avant de ne plus être payée du tout.
« Vincent (Ponsot) s’est excusé pour les deux mois qui me manquaient et a dit que je serai payée. Mais pour le troisième mois, il a dit quelque chose sur le fait qu’ils suivaient la loi française. Ce qui signifiait qu’ils ne me devaient rien d’autre. Dietmar (son agent) n’arrêtait pas de leur dire : « Hé, il manque toujours des salaires. » Mais nous n’avons obtenu aucune réponse. Le syndicat des joueurs en France s’en est mêlé, puis la Fifpro. Les semaines se sont transformées en mois. Toujours pas de salaire complet. L’OL a refusé de donner une réponse claire sur le critère appliqué. Enfin, Dietmar a dit à Vincent que la Fifpro allait lutter contre cela au niveau de la FIFA. Vincent a alors dit : « Si Sara va à la FIFA avec ça, elle n’a aucun avenir à Lyon. » »
Sara se dit aussi déçue du comportement du board et du staff lyonnais lorsqu’elle était en Islande : « Du 1er avril, date de mon arrivée en Islande, jusqu’au mois d’août, je n’ai pas eu de nouvelles de qui que ce soit au sein des dirigeants ou de l’équipe d’entraîneurs. Je suis resté en contact étroit avec certaines coéquipières, ainsi qu’avec le médecin et les physios, à titre personnel. Ils étaient tous de bons amis à moi. Mais le club ne m’a jamais contacté officiellement. Personne n’a vérifié comment se passait mon entraînement, comment évoluait ma grossesse.« . L’Islandaise a donné naissance au petit Ragnar en novembre 2021 et se disait déterminée à retrouver sa place dans l’effectif. Mais, selon elle, à son retour, les comportements à son égard avaient changé : « J’étais prête à jouer. Mais cela n’a pas fonctionné comme je l’avais prévu. L’entraînement était différent à mon retour. J’ai été traité différemment. » À son retour, elle n’a connu que 6 apparitions sous le maillot lyonnais, toutes en tant que remplaçante, à noter qu’au moment de son absence, l’OL avait changé d’entraîneur et Sonia Bompastor avait ainsi remplacé Jean-Luc Vasseur. La nouvelle joueuse de la Juventus pointe aussi du doigt le comportement de Jean-Michel Aulas vis-à-vis de son fils. « Le président est également entré dans la pièce (lors d’une réunion avec Vincent Ponsot) pendant que j’y étais. C’était la première fois qu’il me voyait depuis que j’étais revenue avec mon bébé. Il ne m’a même pas salué, n’a pas regardé ni salué Ragnar. Mais Vincent venait de me rassurer, cinq minutes plus tôt, concernant l’affaire, que « ce n’était pas personnel ». Après ce moment, avec le président, il était pourtant clair que c’était le cas. »
Enfin, Sara Björk Gunnarsdóttir déclare que Lyon lui a fait sentir qu’avoir un bébé était négatif pour l’équipe, notamment lorsque la question des matchs à l’extérieur est arrivée sur la table : « On me demandait – non, on me disait – toutes sortes de choses, comme de ne pas emmener mon bébé avec moi lors des voyages à l’étranger. Ils m’ont dit que cela pouvait vraiment perturber les joueuses dans le bus ou l’avion, s’il pleurait tout le long du trajet. J’ai secoué la tête et je leur ai dit que je ne signerais rien de tel. C’était à l’époque où j’allaitais encore, et il était si petit et si dépendant de moi. S’ils ne cédaient pas sur ce point, je ne pouvais pas assister aux matchs à l’extérieur. Finalement, il a été décidé de nous donner, à Ragnar et moi, deux voyages à l’étranger pour faire un essai et voir comment cela se passerait. J’ai encore secoué la tête ! Je n’étais pas à l’aise avec le fait qu’il soit « testé ». Je n’allais pas me mettre, ni mettre Ragnar, dans cette situation. La compréhension entre nous n’était tout simplement pas là, et je le sentais. »
En mai 2022, Sara Björk Gunnarsdóttir a reçu la décision de la Chambre de résolution des litiges de la FIFA, qui a condamné l’OL à payer tous ses salaires, le club n’a pas fait appel. Pour l’Islandaise le mal était fait et l’OL se serait débarrassé d’elle :«Je lui (Vincent Ponsot) ai demandé ce qu’il avait dit à Dietmar, à propos du fait que si j’allais à la FIFA, je n’aurais pas d’avenir à Lyon.Il a dit qu’il n’avait pas dit ça, et c’est l’entraîneure, Sonia Bompastor, qui a décidé qu’elle ne pouvait pas me voir comme une future joueuse de son équipe. J’étais tellement épuisée par tous ces combats… Il était clair que, quoi qu’on en dise, l’essentiel était là : en tant que jeune maman, je n’avais pas d’avenir avec ce club. »
L’Olympique Lyonnais et Sonia Bompastor apportent une autre version des faits
Cette histoire a secoué le monde du football et l’Olympique Lyonnais a tenu à réagir dans un communiqué, expliquant notamment sa position sur les salaires puisqu’au moment des faits, il existait un flou juridique au sein même de la FIFA : « Nous avons toujours respecté la loi française que nous avons parfois trouvé trop contraignante sur ces sujets. Ainsi, nous avons toujours milité pour une protection renforcée des joueuses sur ces points. […] Ces derniers mois, la FIFA a choisi de poser pour la première fois un cadre juridique pour les joueuses étant amenées à vivre une maternité durant leur carrière. Ce dont nous nous réjouissons. La FIFA nous reproche aujourd’hui de ne pas avoir proposé un autre travail à Sara Björk Gunnarsdóttir durant son arrêt maladie puis son congé maternité, alors qu’en parallèle la loi nous l’interdit en France et que la joueuse nous avait demandé expressément de pouvoir retourner vivre en Islande, ce que nous avions accepté. »
Dans un article paru hier, RMC Sport dévoile en détail comment l’OL a géré la grossesse de la joueuse islandaise. Selon les informations de RMC, la joueuse n’aurait pas réellement échangé avec la direction au sujet de son salaire en étant enceinte avant de partir en Islande. Sujet épineux puisque dans l’article on apprend que « La Fifa a validé des réformes fin 2020 pour le congé maternité de 14 semaines avec versement obligatoire du salaire, mais pas de règle sur ce même salaire à partir du moment où la joueuse est en arrêt de travail et n’exerce aucune autre activité au sein du club – un droit de la joueuse enceinte. Le contrat fédéral ne protégeant pas les joueuses sur cet aspect, la plupart souscrivent d’ailleurs à des assurances complémentaires pour se protéger en cas de grosse blessure par exemple. »
Sonia Bompastor est aussi revenue sur le sujet du traitement de la joueuse. Elle indique que le staff a gardé un contact avec la joueuse lorsque celle-ci était en Islande. Notamment Romain Segui, le préparateur physique qui était le référent au niveau du staff. Ainsi que Camille Abily, entraîneure adjointe, qui « a eu quelques contacts avec Sara, pour avoir un suivi et parce que l’on voulait savoir comment se passait sa maternité, en tant que mamans nous-mêmes. » Pour Sonia, le staff lyonnais « voulait aussi organiser son retour de la meilleure manière possible pour janvier 2022. » C’est ainsi que la coach lyonnaise révèle que le club aurait eu les mêmes discussions avec Amel Majri, joueuse ayant accouché récemment et Sara Björk Gunnarsdóttir « Concernant Sara et Amel, nous avons eu les mêmes discussions et les mêmes propositions. Ce que l’on a mis en place pour Amel, on l’avait aussi proposé à Sara. On avait montré que l’on avait envie de faire évoluer les choses et de prendre en compte le fait qu’elle était maman au-delà d’être sportive. Malgré tout, cela reste une expérimentation, le cadre n’est pas rigide, on est à l’écoute ». Selon RMC, certains observateurs de la section féminine soulignent l’investissement des salariés et du staff pour le retour de l’ex-internationale islandaise. L’OL aurait même trouvé la nounou pour l’enfant de la joueuse et aurait proposé des déplacements tests, comme ceux réalisés avec Amel Majri et sa fille récemment, mais l’Islandaise aurait refusé.
Pour l’entraîneure qui est elle-même maman, le club a fait preuve d’écoute et a été dans l’échange avec la joueuse : « On voulait qu’elle se sente le mieux possible en tant que maman, pour pouvoir performer sur le sportif. Effectivement, peut-être que tout n’a pas été parfait car c’était nouveau aussi pour le club. Mais j’ai le sentiment qu’au niveau du staff technique, on avait fait en sorte de mettre en place plusieurs choses pour lui permettre de se sentir épanouie en tant que sportive et maman. » Chose que semble aussi confirmer l’Olympique Lyonnais à travers son communiqué : « À sa demande, nous avons accepté qu’elle réalise son congé maternité en Islande, son pays d’origine. Lorsqu’elle est revenue en France, après la naissance de son fils, nous avons tout fait pour favoriser son retour au haut niveau dans des conditions lui permettant de vivre au mieux sa nouvelle vie de mère, ainsi que son retour à la compétition, grâce notamment à un accompagnement poussé, comme nous l’avons fait ensuite avec Amel Majri. »
Enfin, Sonia Bompastor confirme les dires de Vincent Ponsot et prend la responsabilité du départ de la milieu de terrain de l’OL : «Sportivement, j’aimerais rétablir la réalité que j’assume. C’est moi qui ai décidé de ne pas continuer avec Sara. Dès qu’elle est revenue, elle faisait partie intégrante du groupe. Je l’ai jugée uniquement sur ses performances et lors des matches, même si Sara était une joueuse que je connais déjà un petit peu. Au milieu de terrain, j’avais une grosse concurrence et des joueuses qui répondaient mieux à ce que je souhaitais mettre en place. En termes de performances et de profil, cela ne correspondait pas à mes attentes et à mon projet de jeu». Le milieu de terrain lyonnais comptait alors dans son effectif : Lindsey Horan, Amandine Henry, Catarina Macario, Damaris Egurrola, Danielle Van De Donk, Inès Benyahia ou encore Dzenifer Marozsan. De plus, la venue de Sara Björk Gunnarsdóttir n’a pas été à la demande de Bompastor puisque la joueuse est arrivée avant la prise de fonction de l’entraîneure.
L’Islandaise a fini sa tribune en disant «Je veux m’assurer que personne n’aura plus jamais à subir ce que j’ai subi. Et je veux que Lyon sache que ce n’est pas O.K. Ce n’est pas « juste du business ». Il s’agit de mes droits en tant que travailleuse, en tant que femme et en tant qu’être humain. » Quand à l’Olympique Lyonnais, le club semble ouvrir la porte à la joueuse pour pouvoir les aider à progresser sur le sujet à l’avenir : « Si elle souhaite nous aider aujourd’hui à faire évoluer davantage le droit français, nous serions heureux de pouvoir l’impliquer dans nos démarches aux côtés d’Amel Majri pour permettre à toutes les athlètes de vivre pleinement leur grossesse, ainsi que leur retour à la compétition. »