C’est une crise sans précédent qu’est en train de connaître la Fédération Française de Football depuis ce vendredi 24 février et le retrait de Wendie Renard. En effet, la capitaine des Bleues a annoncé à 5 mois à peine de la Coupe du Monde, se retirer de l’équipe de France en évoquant un « système actuel bien loin des exigences de ce niveau ». L‘annonce de la 10ème joueuse la plus capée de l’histoire des Bleues (142 sélections) a eu l’effet d’une bombe auprès des suiveurs de l’équipe de France. Mais la magnitude du séisme s’est amplifiée trois heures et trente minutes plus tard lorsque Kadidiatou Diani (82 sélections), et Marie-Antoinette Katoto (32 sélections) ; ont annoncé simultanément se retirer également de la sélection, en mettant en avant des problèmes de management qui visent la sélectionneure Corinne Diacre. Soucis également pointés du doigt par Perle Morroni (11 sélections) et Griedge Mbock (71 sélections), dans des communiqués annonciateurs d’une prise de position identique à celle de leurs partenaires.
Professionnalisation, retransmission, infrastructures… le retard s’accumule.
« Barcelone remplit son stade de 90 000 personnes, en Angleterre cela prend… On avait de l’avance sur ces pays. […] Comment se fait-il que l’on avait de l’avance et qu’aujourd’hui on a du retard, on a loupé quelque chose! »
Wendie Renard, capitaine de l’Équipe de France.
Habituées à devoir se battre pour leur reconnaissance, les actrices du football en France réclament une fédé à la hauteur des enjeux et de leurs investissements. Le football féminin français a pris beaucoup de retard sur ses concurrents. À l’étranger les choses avancent. Alors que l’Angleterre possède un championnat entièrement professionnel depuis la saison 2018/2019, en France, il a fallu attendre fin 2022, pour qu’une simple étude sur la faisabilité de la création d’une ligue professionnelle soit lancée. L’investissement notamment financier de la fédération, et l’implication des clubs influent directement sur la capacité du championnat à attirer des nouveaux partenaires commerciaux. Pour preuve, en 2021, la BBC et Sky Sport ont décidé d’investir 28 millions d’euros sur trois saisons pour pouvoir diffuser la FAWSL en Angleterre. Ce qui fait environ 9,3 millions d’euros par saison. Un an plus tard en Espagne, DAZN s’est offert les droits de diffusion du championnat sur cinq saisons pour 35 millions d’euros, soit 7 millions d’euros par saison, et diffuse le championnat gratuitement sur YouTube. En France, Canal+ ne débourse que 1,2 millions par saison depuis 2018 et ne se presse pas vraiment de renouveler le partenariat qui prend fin en 2023. Les audiences outre-Manche valident le système anglais : après deux mois de diffusion, Sky Sport et la BBC déclaraient que chaque journée de championnat rassemblaient une moyenne de 615 000 téléspectateurs (Sky Sport, 114 000 téléspectateurs, chaîne payante ; BBC 501 000 téléspectateurs chaîne gratuite). L’émission de la BBC consacrée au football féminin, le «Women’s Football Show », a réalisé un pic d’audience à un million de téléspectateurs. Les moyens de diffusion en Espagne et en Angleterre sont à la hauteur du spectacle proposé, là où en France les passionnés de D1 Féminine doivent se taper ce genre de retransmission les jours de pluie :
Cependant, le groupe Canal n’est pas le seul responsable. Les infrastructures mises en place par certains clubs ne sont pas suffisantes. Parmi les 12 clubs de D1, seuls Le Havre, le Paris FC, Fleury et Rodez, jouent chaque match à domicile dans le stade principal de leur équipe masculine. Certains clubs proposent des pelouses inadaptées au haut niveau et des stades champêtres dépourvus des équipements nécessaires pour accueillir les caméras de Canal + qui diffusent le championnat. Résultat, la chaîne télé se retrouve à placer son matériel sur des échafaudages et ne garantit pas une transmission digne d’une chaîne payante.
« Il faut améliorer les infrastructures, les stades, les conditions de retransmission à la TV. La Fédération doit avancer sur pas mal de sujets »
Sonia Bompastor, entraîneure de l’Olympique Lyonnais.
La professionnalisation en Angleterre s’est accompagnée de plusieurs mesures qui ont fait avancer les choses : centre de formation obligatoire pour les clubs de l’élite, salaire minimum (également le cas en W-League, le championnat australien), mise en place de congés maternité… Des avancées qui ont permis d’augmenter le niveau moyen du championnat, d’attirer de meilleures joueuses de l’étranger qui apportent leur expérience aux joueuses locales. L’addition de tous ces progrès n’est pas étrangère au récent succès de l’Angleterre à l’Euro 2022.
« Organiser des compétitions internationales, c’est bien. S’investir dans notre championnat, c’est mieux. On est à la ramasse et la Coupe Du Monde 2019 n’a eu aucun impact. »
Ada Hegerberg, Ballon d’or 2018.
Enfin, plusieurs sélections ont choisi d’harmoniser les primes versées à leurs sélections masculine et féminine. C’est le cas de la Norvège, des Pays-Bas, de la Finlande, du Brésil, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, de l’Angleterre, du Népal, et de l’Espagne pendant qu’en France, les personnes concernées font semblant de ne pas voir le problème…
Corinne Diacre, le conflit permanent
Le management de Corinne Diacre a été remis en cause à plusieurs reprises depuis sa prise de fonctions en 2017. Son mandat a débuté par le retrait polémique du brassard de capitaine à Wendie Renard (au profit d’Amandine Henry), accompagné d’une critique injustifiée de son niveau considérant que la défenseure centrale n’avait « pas encore franchi le niveau international ». Mais d’autres frictions ont eu lieu par la suite avec Amandine Henry notamment, sa capitaine à qui elle a retiré le brassard (pour le redonner à W. Renard), avant de simplement la blacklister de l’équipe de France pour avoir osé s’exprimer dans la presse. Sans oublier le clash avec Eugénie Le Sommer à l’issue du mondial 2019, le boycott totalement arbitraire de plusieurs joueuses (Marie-Antoinette Katoto à qui elle a fait manquer le mondial 2019 alors qu’elle était meilleure buteuse du championnat, Kheira Hamraoui, Perle Morroni, Sandie Toletti pendant plusieurs années avant d’être finalement appelée, Sarah Bouhaddi etc…). L’attitude de la sélectionneure envers ses joueuses a posé questions plus d’une fois. Une sélectionneure se doit d’être au service de la sélection. Avec Diacre, l’impression du contraire plane constamment. Ses choix souvent incohérents et injustifiés laissent penser à des choix effectués à la tête de la cliente. Personne n’est au-dessus de l’équipe de France, c’est ce qu’a rappelé la fédération dans son communiqué suite à la fronde de ses joueuses. Un principe avec lequel on ne peut qu’être en accord mais qu’il faut également appliquer à une sélectionneure qui passe beaucoup plus de temps à régler ses comptes qu’à trouver un moyen d’optimiser son groupe. En désaccord avec le management de Diacre, plusieurs membres de son staff ont été écartés. L’insensibilité et l’inactivité de la fédération face à ces événements a laissé aux joueuses un sentiment d’abandon. Mais au regard de tout ce qui a été énuméré, sommes-nous vraiment surpris de voir la Fédération Française de Football ne pas prendre au sérieux les problématiques liées au football féminin… ?